d’après Odilon Redon (1840-1916) – Oeillets dans une tasse chinoise – Huile sur toile – 27 x 19 cm

Cette nuit-là, Elsa se réveille en sursaut. Elle jette un œil sur la pendule. Quatre heures du matin … Mais que lui arrive t-il ? C’est la troisième fois cette semaine. La semaine dernière aussi. Mais épuisée, elle se rendort toujours dans la foulée, dans l’ignorance. Là, c’est différent. Couchée de très bonne heure, elle a déjà dormi plus de cinq heures, presque une nuit complète, enfin une nuit ordinaire pour elle. Soudain, un léger bruit attire son attention. D’où vient-il ? Ses pensées vagabondes cessent instantanément pour laisser place à la concentration extrême. C’est juste au-dessus de sa tête. Ou plutôt légèrement décalé vers la droite, dans le coin du plafond, celui qui sépare sa chambre de la salle de bain. C’est comme des bruits de pas, discrets certes mais aussi irréguliers.La curiosité l’emportant sur la témérité, Elsa se lève d’un bond, enfile ses chaussons, une polaire et n’oublie pas la lampe électrique posée sur sa table de chevet. Pas de doute, si c’est là-haut, elle veut en avoir le coeur net une bonne fois pour toutes. Zut, il faut sortir l’échelle du cabanon. Les combles ne sont pas aménagés et elle n’a dû y monter que deux ou trois fois, et encore. La première fois c’était le jour de la première visite de la maison. Un véritable coup de coeur et … ça c’est une toute autre histoire !

Tant bien que mal, Elsa atteint la fenêtre à moitié branlante qui donne dans le grenier. De la laine de verre qui jadis était épaisse jonche le sol. Elle se relève trop vite et se cogne la tête sur une poutre un peu trop basse à son goût. Comme arrivée silencieuse, elle aurait pu faire un effort. Et pourtant, avec le jet de lumière dirigé vers l’endroit identifié quelques minutes plus tôt de sa chambre, elle aperçoit un lutin, un mug à la main, et quelques oeillets disposés poétiquement dedans. Dans le coin sombre, une petite planche faisant office de table et deux autres de taille inférieure, certainement pour des chaises. En tendant l’oreille, Elsa entend une petite musique, du piano. Oh non, du Chopin, elle en est certaine ! Et … un autre lutin, en robe de soirée. Elsa se frotte les yeux. Impossible, elle rêve !

Le couple s’approche d’elle, un sourire radieux illumine leurs visages, ils lui tendent la main.