Huile sur toile – 30 x 30 cm – Original

Confortablement assis sur son petit bout de serviette de bain emprunté à sa fille le matin même, adossé à un rocher, Joël est saisi par le spectacle qui s’offre devant ses yeux ébahis.

Non, ce n’est pas une tempête, loin de là. C’est tout juste quelques grosses vagues qui échouent maladroitement sur de gros cailloux posés en vrac sur le sable chaud. Un spectacle majestueux, léger, aérien …

Joël se met à réfléchir. Il fait le bilan de sa vie déjà bien remplie. Une enfance sans histoire. Oh ce n’était pas drôle tous les jours, mais ce n’était pas le bagne non plus. Des parents souvent absents, absorbés par leurs carrières respectives. Puis des études supérieures ratées. Joël n’aimait pas étudier. Il a fait en sorte d’échouer à chacun de ses examens. Il est, donc, entré dans la vie active dans une petite société familiale pour y apprendre le métier d’électricien. Au début, ça l’a amusé. Et puis, il s’est lassé. Il est devenu impossible. Il arrivait en retard systématiquement, manquait de respect avec la clientèle. Il s’est retrouvé à la porte. Son père, toujours investi dans une réussite éventuelle de son fils unique, lui trouve une autre place dans sa propre usine. Il sera avec les ouvriers, dans l’entrepôt, et préparera essentiellement les commandes. L’ambiance est excellente. Il s’éclate. Puis l’alcool fait son entrée dans sa vie. Quelques mois plus tard, il se marie et dans la foulée devient père. Les années passent, rapides, douloureuses, chaotiques. Il finit par divorcer, change de boulot tous les deux ans. Le seul lien qui le retient sur terre, c’est sa fille. Mais elle aussi grandit. Elle est maintenant dans une école d’ingénieur. Il n’a que peu de relations avec elle mais mille souvenirs dont cette serviette Pokemon qu’il ne lui a jamais rendue. Il a dépassé la cinquantaine et plus rien ne le réjouit désormais. Son unique passion : la mer avec son immensité, sa couleur, sa sonorité, sa vibration, sa pureté, son innocence, sa « bouillonnance », son énergie, sa foi.

Joël n’y tenant plus s’est approché et … oups, il a glissé. Il s’est ouvert le genou. De douleur extrême il perd connaissance. Il s’écroule tête la première sur le sable mouillé, quelques centimètres d’eau. Il ne s’en rendra pas compte. Il ne va pas souffrir. Il va s’éteindre comme une bougie.

Joël voulait voir les embruns.