d’après Eugène Boudin (1824-1898) – Scène de plage (1865) – Mine de plomb / Aquarelle – 15,9 x 22,8 cm

André n’est pas très motivé pour sortir mais Caroline a tellement insisté qu’il s’est laissé convaincre. Il adore sa femme. C’est comme ça. Ils se sont rencontrés dans un dîner mondain chez des amis communs. Elle était assise en face de lui. Elle était accompagnée d’un homme grisonnant et bedonnant grincheux. Il n’a pas décroché un mot de la soirée, ni sourit, encore moins rit aux grivoiseries intempestives de la fin de repas. Quant à elle, elle était rayonnante dans sa robe au décolleté plongeant et enivrant, un léger blush et des cheveux châtain foncé retenu en un chignon bas. André a passé toute la soirée à l’observer le plus discrètement possible. Il ne souhaitait attirer l’attention. La jeune femme n’était vraisemblablement pas libre. D’ailleurs, le couple a quitté rapidement les lieux après le dessert. Lui, prétextant une digestion qui s’annonçait difficile. Avant de partir, André se paye l’audace d’interroger les hôtes sur cette jeune femme délicate et délicieuse qui envahissait dorénavant l’intégralité de son cerveau. Il n’avait rien à perdre après tout. Comme il a bien fait … En fait, cet énergumène de mauvaise constitution n’est autre que son oncle venu des Amériques. D’une timidité maladive, elle n’avait pas osé venir souper seule et n’avait trouvé que cette solution. Quelle merveilleuse nouvelle. N’y tenant plus André va jusqu’à demander son adresse pour lui envoyer un bouquet de fleurs.

Leur histoire a débuté ainsi et dure depuis 10 ans. Avant de refermer la porte de leur maison de location sur les bords de mer du Havre, André prend son journal qu’il n’a pas encore eu le temps d’éplucher. Il n’est que 14h30, une cabine devrait encore être disponible. Caroline adore la plage mais sa peau clair est très fragile et craint énormément le soleil. La balade est fort agréable avec cette légère bise qui souffle toute la fraîcheur d’un après-midi du mois d’août. Bras dessus bras dessous, le couple rejoint le bord de mer. La foule n’est pas à son comble encore. C’est une chance. André repère la baraque de plage idéale pour eux deux. À mi-chemin entre la mer et la route, elle protège de tout vacarme inutile. Des chaises pliantes sont disponibles un peu plus loin. Il court en prendre deux avant qu’elle ne soit prise d’assaut. Puis André s’installe, le journal sur ses genoux et sa magnifique épouse lisant par-dessus son épaule.