d’après Jean Siméon Chardin (1699 – 1779) – Un canard col-vert attaché à la muraille et une bigarade (1730)  – Huile sur toile – 46,1 x 38,2 cm

On est dimanche, Toby en est certain. Il a espionné son père depuis la veille. C’est qu’il faut être drôlement malin lorsque personne ne vous dit jamais rien !
En effet, il s’est dirigé vers son bureau en fin de matinée, après avoir nourri les Limousines d’une botte de foin. L’herbe se fait déjà rare, elles n’ont plus grand-chose à manger et certaines sont gestantes, alors … Bref, là n’est pas le propos. Le paternel est donc revenu du bureau avec un long fourreau dans les mains. Ce n’est pas tant la forme mais l’odeur qui l’a alerté sur-le-champ. Puis les différents ustensiles, l’huile … l’ouverture de la chasse est pour tout bientôt.Aux aguets, Toby réagit aux moindres bruits. Ses oreilles gesticulent dans tous les sens. Soudain … la clochette ! Son maître a sorti le collier. Toby, confortablement installé dans le fauteuil du salon, se précipite d’un bond, plutôt d’un vol plané tout à fait contrôlé, dans les jambes revêtues du pantalon adéquat. Il sautille sur ses deux pattes arrière tel un chien de cirque. Il est tout excité. Enfin, le début d’une longue et nouvelle saison. Enfin, la complicité intense avec son maître adoré et son envie éternelle et irrésistible de lui faire plaisir. Enfin, enfin, enfin … la douce odeur d’un chevreuil à traquer !

C’est parti. Ils rejoignent la fine équipe. Toby se tient droit comme un I sur le siège passager les deux pattes avant sur le tableau de bord, attentif, fébrile. De temps à autre, il jette un œil vers le chauffeur, une oreille droite, l’autre penchée, son père lui sourit. Il est heureux tout simplement. Chacun sait ce qu’il a à faire, la place qu’il doit prendre et les coups de fusil éventuels à tirer vers un endroit bien précis. Pour Toby, rien de plus facile : le museau au ras du sol et le système olfactif affûté.

La matinée se passe sans grande excitation. Rien à se mettre dans les narines. Toby est d’autant plus déçu que son père l’est également. Il ne faut pas rester sur une besace vide, l’après-midi, ce sera le bon moment. Une poignée de croquettes, un zest d’eau et une pincée de sable plus tard, Toby est sur une piste. Inhabituel … Non, pas un chevreuil, ni un faisan, l’odeur est beaucoup plus subtile … un canard, un magnifique colvert aux plumes soyeuses !