d’après Jean-Baptiste Camille Corot (1796-1875) – Étude de paysage – Huile sur bois – 27,4 x 41 cm

Il fait toujours nuit noire mais Paulette n’a plus sommeil. D’ailleurs elle n’a pas dormi. Elle guette le moindre souffle de la masse bruyante gisant à ses côtés. Elle quitte la chambre sans le moindre bruit. Hors de question de réveiller cette chose de si bon matin. Elle rallume la chaudière de la cuisine, il y fait un froid de canard. Son reflet dans la vitre la glace de torpeur.Mariée dès son plus jeune âge, elle n’a pas eu le choix. Ses parents, endettés jusqu’au cou, l’ont casée avec le fils du métayer amoureux fou de la jeune fille d’à peine 16 ans et de la bouteille. Il n’a pas commencé tout de suite, c’est venu petit à petit, au fil des années. Cela fait maintenant 40 ans que ça dure, qu’elle endure. Sa petite sœur Madeleine s’en est aperçu dès la première fois. Elle ne peut rien lui cacher, elle devine toutes ses pensées même les plus intimes. Et régulièrement, elles ont la même discussion. Mais que faire ? Paulette n’a que lui, pas de métier, pas de revenu, heureusement pas d’enfant. Le quitter, elle en est bien incapable. Le … Non plus ! A chaque nouvelle égratignure, boursouflure, fêlure, brûlure, cassure, son âme se désagrège davantage.

Paulette aperçoit Madeleine par la fenêtre. Elle lui ouvre la porte sans plus tarder et met la bouilloire à chauffer. Un bon café bien chaud, bien noir va tout réparer. Madeleine ne peut réprimer un cri lorsqu’elle voit le visage tuméfié de sa grande sœur. Ce n’est pas tout, son avant-bras gauche est complètement cuit et sa hanche déboîtée. La ligne est franchie. L’intolérable ne l’est plus. Elle attrape le tisonnier et se précipite dans la chambre avant que sa sœur n’ait le temps de réagir. Le premier coup sera décisif. Elle le sait mais son bras tremble. Elle loupe sa cible, qui se rue vers elle telle une furie. Paulette arrive sur ses entre faits la bouilloire fumante qu’elle jette au visage du dégénéré. Madeleine en profite pour lui taper dessus avec une force qu’elle ne soupçonnait pas. Le sang gicle sur les murs, le crâne s’enfonce sous la pression, …

Il va faire froid cet hiver, les arbres sont dénudés, la terre est dure. Il va falloir mettre de la paille sur tout le terrain, histoire de dissimuler le trou rebouché tout récemment.