d’après Andrea del Sarto (1486-1530) – Jeune homme – Fusain, Craie blanche sur papier gris – 32 x 24 cm

Côme a encore croisé des gens infectés sur la route du retour. Il travaille dans l’atelier de peinture de Piero di Cosimo depuis peu et le chemin pour rejoindre la maison de ses parents est longue et hasardeuse. Il longe les quais et sous les ponts c’est toute la misère du monde qui traîne ses guêtres et ses pustules. Il se demande sérieusement s’il ne va pas faire une pause le temps que l’épidémie s’estompe. En y réfléchissant bien, il aurait mieux fait de reprendre la profession de tailleur, une tradition familiale.Voilà qu’il se met à pleuvoir désormais. Côme presse le pas. Il aperçoit des rats au loin, courant de manière désordonnée. Certains s’écroulent sur le flanc, d’autres cherchent à échapper à leur destinée. La vie n’est pas plus simple du côté des rongeurs. Une mendiante, à laquelle Côme donne volontiers un morceau de pain d’ordinaire, agonise à même le sol. Un frisson le traverse.

Il rejoint enfin le quartier familier et accueillant de son enfance. La porte de sa demeure est ouverte. Comme c’est étrange. Alors qu’il s’apprête à franchir le seuil, il est bousculé par un de ses frères se précipitant hors des murs. L’instinct, certainement, rattrape le jeune homme par le bras en y exerçant une forte pression. Interrogé du regard par le jeune artiste, il hurle, plus qu’il ne parle. Côme parvient tout de même à saisir que leur mère présente les premiers symptômes de la maladie, à savoir des douleurs musculaires et d’insupportables céphalées. Leur chien est tombé raide mort deux jours auparavant. Lui-même, traînant toujours sa carcasse proche des égouts a dû être contaminé par les puces d’un rat quelconque et infecter à son tour sa maîtresse préférée.

Côme réfléchit en un éclair et décide d’aller voir leur médecin de famille. Arrivé sur les lieux … un monde incroyable sur le trottoir. Impossible de patienter. Il retourne alors chez lui, bredouille. La maison est si calme. En temps normal, il aurait aimé boire une boisson chaude avec ses parents et raconter par le menu détail sa journée à l’atelier. Il tient sa mère dans ses bras, tentant de la soulager de douleurs atroces. Les ganglions, douloureux, prennent la couleur rouge vif. Les piqûres de la puce devraient être visibles maintenant. Mais à quoi bon, il est beaucoup trop tard. La septicémie va s’installer et la mort conclure le processus.

Florence, 1530