d’après Johan Barthold Jongkind (1819-1891) – Falaises d’Etretat (16 juin 1857) – Aquarelle / Pierre noire – 18 x 23,8 cm

« Un peu avant 16 h 30 hier, un homme qui se trouvait sur la falaise d’Étretat au niveau du Golf est tombé. Son corps a été récupéré sur l’estran par une équipe de sauvetage aquatique des sapeurs-pompiers. S’agissant d’une mort violente, le corps du défunt, un homme de 57 ans, a été laissé à disposition de la gendarmerie pour les constatations d’usage. Un témoin de la scène doit être entendu par les militaires afin de déterminer s’il s’agit d’un accident ou d’un acte volontaire. *».Jules est assis sur une chaise bancale. Il n’ose pas bouger de peur de faire trop de bruit et de se faire remarquer. Il déteste ça. Un homme, certainement haut gradé s’il s’en réfère aux médailles accroché sur son uniforme, se plante devant lui et lui demande d’un ton ferme qui n’admet pas de réplique de le suivre sur-le-champ dans son bureau. Jules s’exécute.

Alors débute un interrogatoire corsé. Des questions courtes, précises s’enchaînent. Jules dit une chose, à la question suivante se contredit. Il est complètement déstabilisé, perdu. C’est vrai qu’il n’a pas pris ses médicaments ce matin avant de partir de chez lui. Sa mère le lui a pourtant rappelé au moins trois fois avant son deuxième café. Mais il oublie. Les vieux souvenirs, ça va. Encore que. Plongé dans ses pensées, Jules ne répond pas aux trois dernières questions. Le militaire se met alors à hurler mais l’homme assis devant lui, le regard vague ne comprend plus, vraisemblablement. Il a dû y aller un peu trop fort, trop vite, trop loin. Il sort chercher un collègue pour l’aider à récupérer « ses conneries » comme il dit toujours, une fois que c’est trop tard. Mais cette fois, c’est différent. Est-ce son regard, le timbre de sa voix, sa manière de gigoter sur la chaise, sa jambe droite qui … il ne saurait dire mais ce type-là, qu’il cuisine depuis plus de trois heures maintenant lui cache un truc. Il en est certain. Qu’est-ce qu’un gars de 57 ans, qui habite encore chez sa mère, sans un animal domestique, faisait sur les falaises ? Il dit qu’il ne connaît pas la victime ? Ils sont voisins depuis la maternelle et ont été à l’école ensemble jusqu’au bac. Les meilleurs amis du monde si ça se trouve …

« Je l’ai poussé, il m’a énervé », Jules a enfin craqué.

*Source : Paris Normandie / Brèves, publié le 22/9/2017