d’après Johan Barthold Jongkind (1819-1891) – Le Port de Honfleur à marée basse, avec des bateaux échoués sur le sable (12 septembre 1864) – Aquarelle / Pierre noire – 11,1 x 17,3 cm

C’est l’histoire de quatre garçons, cheveux dans le vent, tout juste dix-huit ans, un samedi soir sur la terre.

La boite va bientôt fermer. Dommage, ils s’amusaient plutôt bien. Pas de filles ce soir. En revanche, ils ont enchaîné les bouteilles de whisky et de vodka. Ils ont l’habitude. Même le corps ne réagit plus, il laisse faire. Il faut bien que jeunesse se passe. Pourtant l’un d’entre eux a déjà fait un coma éthylique deux mois auparavant et un autre souffre d’arythmie cardiaque. Mais ils sont jeunes, l’avenir est loin devant eux. Ils auraient tort de ne pas en profiter. Une fois dans la tombe, il sera trop tard pour s’éclater, beaucoup trop tard.

Ils sont les bons derniers à quitter les lieux. Le patron, un ami de leurs parents, leur a confisqué les clés de voiture. Des monstres en ferraille qui pourraient bien devenir leurs tombeaux respectifs. Inutile de prendre des risques inconsidérés. C’est donc à pied que la bande des quatre a rejoint le joli petit port de Honfleur complètement endormi à 6 heures un dimanche matin. Les garçons titubent, se bousculent, hurlent dans les rues. Avec un peu de chance, un grincheux va appeler la police et ils vont terminer leur tournée derrière les barreaux.

Enfin la plage et les quelques bateaux à fond de cale, penchant du côté où ils vont tomber. La vue est magnifique, pas de vent, pas de bruit, pas âme hormis les quatre larrons. Adossés contre une coque, ils refont le monde. Complètement hermétiques à la beauté du paysage qui s’offre à eux sans contre partie, les jeunes gens peinent à discuter à présent. L’un d’entre eux ne se sent pas très bien, il s’éloigne quelque peu du groupe avachi et se dirige vers le bord de l’eau, à tout juste quelques mètres. En se penchant un peu, ils peuvent toujours l’apercevoir. Mais sur les trois compères demeurés près du bateau, un s’est endormi, l’autre tente de se rouler une cigarette en tremblant des deux mains comme une feuille et jure tant qu’il peut, le troisième rigole bêtement.

Qu’en est-il du quatrième acolyte ? La tête lui tourne atrocement, il n’arrive plus bien ni à penser ni a réfléchir clairement et ce depuis plusieurs heures maintenant. Se rafraîchir le visage. Oui, bonne idée. Sauf que … il glisse tête la première et perd connaissance … définitivement.