d’après Jean Siméon Chardin (1699 – 1779) – Lièvre et chaudron de cuivre (vers 1738)  – Huile sur toile – 41 x 33 cm

J’ai fait un rêve cette nuit. Un rêve provenant de mon enfance. Un rêve rendant hommage à ma grand-mère. Tous les été, je me rendais le coeur joyeux dans la maison familiale du centre de la France. j’appris bien plus tard qu’il s’agissait du Berry. Et encore un peu plus tard du pays de George Sand. Pour m’endormir les après-midis, ma grand-mère me faisait la lecture. Je pouvais choisir celui que je voulais. Et sans savoir pourquoi, je prenais La Mare au diable. Le titre m’enchantait autant qu’il m’effrayait. J’ignorais qu’il avait été écrit par la grande dame. L’auteur préféré de ma grand-mère préférée.

Un ravissement que je guettais avec grande impatience. Sitôt le déjeuner avalé, je me dirigeais vers le grand escalier de l’entrée dont j’enjambais les marches une à une, puis deux à deux, puis trois par trois au fur et à mesure que je grandissais. J’en connais encore des extraits que je pourrais réciter sans aucun effort. J’avais mes passages favoris.

Revenons à mon rêve. C’est tout d’abord une odeur, celle du sang, des entrailles. Puis celle de la cuisson à petit feu dans une énorme marmite en cuivre, vieille comme les tabliers de ma grand-mère. Et cette recette, venant tout droit de George Sand, celle du civet de lièvre. Et la voici, en toute simplicité. Je l’ai retrouvée dans un livre acheté à Nohant Les Carnets de cuisine de George Sand 80 recettes d’une épicurienne aux éditions Chêne.

« Dans une cocotte, faites revenir dans un peu de saindoux les 2 oignons émincés, les 250 g de lardons et les morceaux de lièvre. Saupoudrez de farine et mélangez bien. Laissez jaunir et tournez encore. Ajoutez 1 litre de vin rouge de pays (cabernet, merlot, …), persil, thym et laurier, salez et poivrez. Portez à ébullition pour 30 minutes, ajoutez les 5 cl de cognac, puis baissez le feu et laissez mijoter 2 heures. Si le lard jaunit trop, retirez-le et remettez-le à la fin de la cuisson. Servez avec des pommes vapeur ».

Le souvenir aurait été très douloureux si j’avais assisté à la mise à mort du lièvre. Mais ma grand-mère prenait bien soin de m’épargner cette étape sanglante et sordide pour ne m’initier qu’à la réalisation de la recette. Elle m’asseyait alors sur un tabouret haut et me faisait tenir la cuillère en bois. J’ai fait un rêve cette nuit …