d’après Edouard Manet (1832-1883) – Lilas blanc dans un vase de cristal (1882) – Pastel – 27 x 16 cm

Un doux souvenir d’enfance m’envahit soudainement alors que je marche nonchalamment dans ce sentier perdu.

De quoi s’agit-il exactement ? Mais oui bien sûr, une odeur, une odeur familière qui refait subrepticement surface. Un parfum délicat, éphémère, sucré : le lilas blanc. L’arbre est bien plus haut que moi et certaines fleurs effleurent doucement mon épaule nue. En fin de journée, à la fraîcheur naissante, les effluves ressortent plus fortes, plus entêtées, plus présentes. Il a fait si chaud aujourd’hui et cette balade me fait l’effet d’une douche glacée qui éveillerait mes cinq sens.

Je plonge mon visage tout entier dans une grappe qui m’attend ostensiblement. Je m’enivre tout à fait et ne peut lâcher ce plaisir subtile et innocent. Je replonge inlassablement et mes pensées, mes ressentis sont comme fous, anesthésiés, anéantis. Pendant quelques secondes qui semblent durer une éternité, je revisite mes souvenirs d’enfance.

Je suis dans un jardin que d’aucun appellerait un jardin anglais avec des herbes folles, des fleurs et plantes à foison dans un désordre organisé à la perfection. Une femme d’un certain âge est assise sur une chaise en fer forgé devant une table de même condition. Sur un plateau en métal argenté, trône, royale, une théière en argent massif et deux tasses en porcelaine finement décorée de petites fleurs dans des tons de vert, rose, jaune. Du haut de mes 10 ans, je suis séduite et pétrifiée à la fois. Je n’ose avancer au risque de rompre le charme. Les minutes passent et je demeure immobile, le souffle coupé.

Soudain, la femme aux longs cheveux blancs retenus par quelques pinces tourne la tête et me fixe de son regard bleu perçant. Je suis pétrifiée en une fraction de secondes. Puis l’impensable l’impossible arrive, elle me sourit et m’invite à la rejoindre d’un geste élégant de la main. Toute tremblante je m’assieds sur la chaise vacante. Instantanément, elle me sert une tasse de thé et pose délicatement deux scones tout frais sur une petite assiette. Elle me rapproche la confiture de framboise maison et la crème fouettée. Je me sers maladroitement et au bout de quelques bouchées et gorgées me sent tout à fait à mon aise. Une discussion endiablée s’ensuit sur l’écriture, la peinture. Tous ces sujets qui bien plus tard feront partie de ma vie.

Alors que je penche ma tête en arrière, j’aperçois un lilas blanc …