d’après Edouard Manet (1832-1883) – Le chemin de fer (1872-1873) – Huile sur toile – 38 x 46 cm

Modeste a un rendez-vous amoureux ce matin. Elle a emmené sa petite nièce Victoire à la gare Saint Lazare. Le chiot de la petite fille est de la partie. Il s’est endormi sur les genoux de la jeune femme.

Pour patienter, Modeste a emmené un peu de lecture mais elle se lasse vite et préfère s’adonner à son passe-temps favori, la rêverie. La petite Victoire semble se passionner pour les trains. La fumée qui s’en dégage l’impressionne tout particulièrement. Elle ne peut se résoudre à détourner les yeux. Elle souhaite d’ailleurs partager son enthousiasme avec sa tante préférée. Mais cette dernière a plutôt l’air absorbé par autre chose. Victoire se demande bien pourquoi la jeune femme est si absente depuis quelques semaines. Chaque fois qu’elle lui parle, la petite fille a comme l’étrange sensation qu’elle n’est pas entendue ou parfois que la réponse donnée ne correspond en aucun cas à la question posée. Elle est inquiète. A t-elle fait quelque chose de mal ? Pourquoi tant d’indifférence tout à coup ? Elle n’ose malgré tout en parler à personne de son entourage proche de peur de lui créer des ennuis. Elle es déjà surpris une conversation relativement houleuse entre ses parents au sujet de cette tante, toujours célibataire, à son âge ! Son père reproche aux parents de sa femme l’éducation trop laxiste reçue par les deux sœurs. Et inévitablement la colère l’emportant, le mari furieux quitte la maison en claquant la porte. Dans ce contexte tendu, Victoire choisit le silence.

Cela fait maintenant deux bonnes heures que Modeste attend. Aucun prince charmant en vue. Pourtant, dans ses nombreuses lettres, Alphonse utilise des mots forts, laissant deviner des déclarations enflammées. Un amour fou tout neuf, venu de nulle part. Une flèche de Cupidon ayant pris pour cible deux tourtereaux innocents, enfin presque. C’est qu’Alphonse n’est plus tout à fait jeune, ni presque vieux. Quant à Modeste, pourra t-elle encore faire des enfants ? Elle se sent prisonnière de sa condition, de ses espoirs, de ses lettres toutes chiffonnées à force d’être lues, glissées dans ce livre aux pages mille fois parcourues. Elle a bien conscience aussi de son comportement distant avec sa petite nièce. Mais comment faire ? Elle ne peut pas la mettre dans la confidence, elle est bien trop jeune pour être mêlée à une quelconque intrigue amoureuse.

Mais qui aperçoit-elle au loin ? Serait-ce …