Huile sur carton – 30 x 24 cm – Original

L’orage n’est pas loin, le ciel se charge de lourds nuages bleus gris. Le soleil s’est caché à la hâte. Elle tente de retenir ses pales qui s’emballent avec le vent qui souffle de plus en plus fort. Soudain elle ne maîtrise plus rien, c’est la débandade.

Alors la pluie se met à tomber, petites gouttes, suivies par de gros grêlons. Elle se laisse aller, se laisse guider par les intempéries qui ont pris rapidement le dessus. Elle ouvre sa bouche et découvre, à sa grande stupéfaction, que les gouttelettes qui se déposent doucement sur sa langue sont légèrement sucrées. Elle n’avait pas du tout imaginé ça. Au contraire, elle pensait à un goût salé comme les larmes qu’elle verse régulièrement. Sa vie de machine à moudre n’est pas toujours si facile qu’elle en a l’air. Les contraintes sont nombreuses, l’ingratitude éternelle.

Laissons de côté ces considérations négatives pour explorer l’instant magnifique de cette sensation toute nouvelle. Elle ne s’en lasse pas une seconde. Et plus les pales tournent vite, plus l’eau giclent et fouettent son visage ruisselant. Que c’est agréable, que c’est doux et puissant, que c’est tellement bon. Personne ne lui en avait jamais parlé auparavant. Comme c’est curieux. Pourquoi ne pas partager les bonnes choses ?

Sans plus tarder, elle prévient ses copines de cette gourmandise inattendue et accessible à toutes ! Elle ne tarde pas à recevoir des dizaines de réponses enthousiastes. Comme elle a bien fait. Pour rendre service, elle ferait absolument tout. C’est qui elle est. Fille unique, sa jeunesse s’est déroulée sans heurts majeurs mais dans une solitude absolue. L’amitié a donc pris une place prépondérante dans sa vie d’adulte. Célibataire endurcie et fière de l’être, ses copines sont son univers tout entier. Elles se retrouvent régulièrement pour échanger, faire la fête, principalement. Tout le petit groupe est solidaire à la vie, à la mort. C’est donc avec une immense joie qu’elles ont, elles aussi, goûté à cet élixir venu du ciel.

Quel délice, cette sucrerie qui adoucit et panse les plaies. Elle en veut encore, et encore, et encore plus. Mais l’orage est de courte durée, déjà les nuages se dispersent pour asperger d’autre territoires. Elle se contente des toutes dernières gouttes de pluie, du miel pur et dur. Vite avant que cela ne cesse. Un dernier gros nuage juste au-dessus d’elle exauce son dernier vœu. Elle ferme ses yeux, gourmande.