Le royaume des herbes folles

d’après Albrecht Dürer (1471-1528) – La Grande Touffe d’herbe (1503) – Mine de plomb/ Aquarelle – 21 x 16 cm

Journée de deuil national pour le royaume des herbes folles, la Reine des plantains est décédée dans la nuit. Une longue et douloureuse maladie certainement due au nouveau désherbant utilisé par la commune. Le royaume a essuyé de nombreuses pertes ces trois derniers mois. Les herbes, les fleurs des pelouses, des prairies, et même celles des jardins plantées là où l’homme a décidé de poser la graine ou le bulbe, sont terriblement affectées. Elles se sont rassemblées spontanément, à leurs risques et périls, dans le jardin d’un couple qui ne vient que le week-end. Au moins, elles auront la paix, c’est jeudi.

Le chardon, maître des lieux depuis des générations, prend la parole et rappelle à chacune et chacun le rôle essentiel joué par la défunte et la nécessité absolue de voter dans les plus brefs délais pour son successeur. Il tient à préciser qu’il ne souhaite en aucun cas se présenter. Il se fait beaucoup trop vieux pour mener à bien la charge impressionnante qu’est la direction du royaume des herbes folles. D’un seul coup d’un seul c’est l’effervescence parmi les rangs des parents et amis présents pour la cérémonie. Aussi inattendue qu’intrigante, l’intervention du chardon a eu son petit effet. Il précise qu’il va organiser pour le début de la semaine suivante un vote avec scrutin dans le champ des vaches après le lavoir. Elles viennent tout juste de changer de prairie, elles ne reviendront pas de si tôt, ils seront tranquilles et à leur aise là-bas. Le murmure de la foule grandit jusqu’à faire émerger un « oui » collégial et unanime. Il n’y a plus qu’à !

Le jour des élections, il tombe des cordes. Les herbes sont toutes élastiques et s’enfoncent dans la terre nourricière. Pas facile de se déplacer dans ces conditions. Les plus anciennes ne feront pas le voyage, elles y laisseraient leur pseudo fraîcheur et pourriraient prématurément sur le chemin du retour probablement après de longues heures d’attente les racines à l’air. Les plus téméraires, les hardies et les « un peu folles » se disputent le premier rang. Pressées de déposer leur feuille dans l’urne, improvisée pour la circonstance, elles se bousculent, s’insultent, se piétinent. Certaines n’y survivront pas, d’autres auront montrer leur côté obscur.

À la fin de la journée, le chardon est exténué mais rassuré. Un nom est sorti du lot, Madame Pissenlit !

 

 

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2 Comments

  1. Dom

    super sympa ce petit dessin … et Dürer… magnifique choix!

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