d’après Odilon Redon (1840-1916) – La chute d’Icare – Huile sur toile – 35 x 27 cm

Vous connaissez Dédale ? Bien sûr que oui. Vous avez forcément déjà entendu parlé de lui.

C’est cet architecte qui a construit en Crète le Labyrinthe pour le Minotaure et qui a montré à Ariane comment Thésée pourrait en sortir. En apprenant que les Athéniens avaient trouvé le moyen de s’en échapper, le roi Minos a aussitôt été convaincu qu’ils n’auraient pu y réussir sans l’aide de Dédale. Du coup, il a emprisonné l’architecte et son fils dans ce même labyrinthe, prouvant ainsi l’infaillibilité de ce plan puisque sans indication, même son auteur ne peut y découvrir la sortie. Pour autant, deux possibilités s’offrent à eux : la fuite par l’air et le ciel. Dédale fabrique alors deux paires d’aile qu’il fixe avec de la cire à ses épaules et celles de son fils. Juste avant de s’envoler, Dédale fait une dernière recommandation à Icare. Celle de ne pas trop s’approcher du soleil car la cire pourrait fondre et ainsi les ailes se détacher et alors la chute serait inévitablement mortelle.

Les deux hommes s’envolent donc et quittent la Crète légèrement et sans difficulté. Icare est subjugué par le ciel et ses ravissements. Il vole librement parmi les nuages et les différents dégradés de bleu et de gris. Grisé, il s’élève toujours plus haut, toujours plus près du danger. Son père, alarmé et avisé, lui ordonne de redescendre sur le champ. Il ne peut le rejoindre de peur de franchir la ligne. Cette ligne invisible qui le conduirait tout droit vers la mort. Il se met à hurler jusqu’à s’en vider les poumons. Devenu pratiquement aphone, Dédale persévère pourtant en s’approchant presque malgré lui de la frontière imaginaire. La chaleur s’intensifie. Il n’a pas d’autres choix que de renoncer.

Icare, sourd à toute vocifération, inconscient de la détresse de son père, continue son exploration. Il ne se rend compte de rien, absolument rien. Il navigue tel un oiseau de proie expert. Il ne ressent ni le chaud ni le détachement progressif de ses nouveaux membres. Ivre et privé d’oxygène, Icare ne s’aperçoit pas de la perte tangible d’altitude.

Soudain, alors qu’il tente de changer de cap, ses deux ailes se détachent d’un coup. Il croit pouvoir se rattraper aux fleurs qui l’accompagnent dans sa chute, mais c’est peine perdue. Il dépasse à la vitesse de la lumière Dédale, lui fait un signe puis s’écrase sur le sol.