d’après Edgar Degas (1834-1917) – Le Tub – Pastel – 16,8 x 23,8 cm

Nadine adore ce moment privilégié de la toilette. Elle se déshabille, installe brosse et brocs sur la sellette à proximité de son tub. Puis elle remonte ses longs cheveux roux en chignon. Et le rituel peut commencer.

C’est un matin comme celui-ci qu’elle a accepté la main de Rodolphe. C’était il y a une dizaine d’années maintenant. La veille, il s’était agenouillé devant elle en lui tendant une bague, un énorme solitaire, lui venant de sa grand-mère. Surprise, elle n’avait pas pu se résoudre à lui répondre que ce soit positivement ou négativement. Une longue gêne s’était alors installée entre eux. Et toute la nuit avait été un cauchemar pour elle. Heureusement elle était bel et bien seule pour réfléchir consciencieusement et peser le pour et le contre. Pour autant elle n’avait pas réussi à prendre une décision. Et puis, le lendemain matin, accroupie dans son tub en ferraille, héritage lointain de ses ancêtres côté paternel, la solution s’était imposée à elle comme une évidence. Mais oui bien sûr, elle l’aimait, il l’aimait. Forcément le mariage était une suite logique de leur histoire qui avait débuté six mois auparavant.

Elle s’était rendue à l’anniversaire de sa meilleure amie, sans grande conviction. Les grandes soirées avec une centaine d’invités, ce n’est pas trop son truc. Et puis, alors qu’elle venait de franchir le seuil de la porte d’entrée, elle l’avait aperçu là, tout timide, une coupe de champagne dans la main droite. Maladroite de naissance, et bousculée par deux jeunes hommes déjà bien éméchés, Nadine en passant à côté de l’invité solitaire, avait renversé la totalité de son breuvage sur sa chemise toute blanche. Heureusement, le champagne ne tâche pas. Et ils en avaient plaisanté longuement.

Le lendemain matin, au moment sacré de sa toilette, Nadine avait pris la ferme intention de fréquenter Rodolphe, le naïf. Oh, pas si naïf, finalement. Elle en avait fait les frais au fil des années. La complicité des premiers mois avait laissé place au silence pesant. Les longues soirées passées seule à attendre le retour de son époux devenaient de plus en plus fréquentes. Puis les odeurs de parfums féminins sur les vêtements de son bien-aimé.

Nadine adore ce moment privilégié de la toilette. Elle se déshabille, installe brosse et brocs sur la sellette à proximité de son tub. Puis elle remonte ses longs cheveux roux en chignon. Et le rituel peut commencer.