d’après Albrecht Dürer (1471-1528) – Etude de mains (1506) – Huile sur toile – 27 x 22 cm

Une vie à commencer, cela paraît si …

Compliqué ? Et pourtant, un matin je suis née. Ou plutôt une fin de journée. Je n’étais pas décidée, il a été décidé pour moi. Déjà ! Et puis j’ai dû pleurer aussi. Comme tous les nouveaux-nés. Mais les jours étaient comptés. Une trentaine, je crois. Peut-être trente six. Et puis je me suis tue. Pour toujours j’aurais envie de dire. Je me suis fermée … à moi-même !

Enjolivé ? Et pourtant mon enfance s’est passée sans réel souvenir une fois adulte. Peut-être un goût sucré salé. J’aurais envie de dire amer. Oh non, plus de vacances à la mer, plus de ski l’hiver non plus. Ma peau brûlée, anesthésiée, amputée n’en peut plus. Autant de traces, de stigmates qui ne partiront plus. Des heures et des heures esseulées, dans ma chambre à refaire le monde. Oui, je parlais seule et tout autant encore aujourd’hui.

Succédané ? Et pourtant, des apparences toujours intactes. Une vision floutée à l’intérieur. Mais l’extérieur est sauvé, sauvegardé des regards indiscrets. Tout ce joli petit monde trompé, abusé pour quelques sourires forcés.

Edulcoré ? Et pourtant une éducation stricte et sans artifices. Je n’avais pas de liberté sauf celle de servir et obéir. Un bon petit soldat en vérité, en réalité aussi. La rébellion n’était pas à l’ordre du jour. L’envisager ne m’a pas effleurée. Oh peut-être que si. Mais encore fallait-il oser. L’audace de la muselée s’est tuée dans l’oeuf.

Une vie à continuer, cela paraît si …

Insensé ? Et pourtant, les années les unes après les autres se sont succédé. Elles ont eu leur lot d’échecs et de succès. Qu’en était-il de mes projets ? Mais de quels projets ? Je ne sais pas, ou plus, je n’ai pas appris. Je ne me suis pas autorisée.

Alambiqué ? Et pourtant les événements m’ont portée. Et parfois même déportée. Mais je n’étais plus seule désormais, une douce enfant est née. Non, il ne fallait pas qu’elle soit mon portrait. Au mieux je l’ai éduquée et par-dessus tout je l’ai tellement aimée. Elle va bientôt me quitter, elle est adulte je le sais.

Prédestiné ? Et pourtant, j’ai décidé de tout bousculer. A cinquante années de raisonnable forcé, il était grand temps de s’envoler, d’espérer, de s’éclater, de se passionner. Au delà des découvertes récentes sur ma destinée, de vivre tout simplement.