d’après Eugène Boudin (1824-1898) – Naufrage (vers 1846 – 1848) – Fusain / Craie blanche sur papier chamois – 24 x 32 cm

Jack n’est encore qu’un adolescent lorsqu’il embarque sur le Black Pearl pour la première fois. La mer, c’est toute sa vie. C’est aussi elle qui lui a pris alors qu’il marchait à peine. Sa mère n’a pas souhaité l’accompagner sur le port ni lui faire un dernier signe avant qu’il ne vogue à travers les flots. Elle respecte sa décision mais ça s’arrête là. Jack est le plus jeune de l’équipage. Il a droit à un régime de faveur constitué de toutes les corvées les plus avilissantes possibles. Mais le jeune homme tient bon. Il sait endurer, il a tout appris seul, bien malgré lui.Une semaine, déjà, et toujours pas de banc de poisson. Le capitaine est inquiet. L’année passée, à la même époque, les soutes étaient déjà quasiment pleines. Ils avaient travaillé jour et nuit pour un résultat exceptionnel. Il va falloir s’éloigner encore, encore et encore vers des eaux inconnues et s’aventurer vers de probables turbulences. Il prend le risque, il n’a pas le choix. Ses hommes, son navire, il doit en prendre soin certes mais il a également la responsabilité de leur garantir un salaire décent.

À la fin de la deuxième semaine, le ciel a changé totalement d’aspect : les nuages sont plus lourds, plus sombres. Des éclairs à l’horizon zèbrent la tranquillité apparente de la nuit. Le matelot de garde sur le pont prend certainement la plus sage décision de sa vie en réveillant son capitaine pour l’informer de la tournure préoccupante des intempéries. Il n’a pas le temps de finir son explication qu’un bruit sourd et d’une force surhumaine les alerte. Remonté sur le pont en un temps record, suivi d’une semelle par son supérieur, il assiste impuissant à la chute du mât, brisé en son centre. La foudre a eu raison de l’embarcation. En quelques secondes, il court sonner l’alarme tandis que l’engin, désorienté subit les assauts gigantesques des vagues meurtrières. L’équipage est maintenant réuni, à la merci de Poséidon. Le capitaine ordonne la mise à l’eau immédiate des canots de sauvetage. Jack se tient à ses côtés, prêt à lui venir en aide, au cas où. Il tient à être le dernier à quitter le navire. La carcasse déjà chavire, les chaloupes s’éloignent précipitamment vers l’horizon, secouées vivement par la houle démente.

Jack n’aura pas de deuxième fois sur le Black Pearl. Ses larmes salées rejoignent l’océan.

(Librement inspiré du film réalisé par Joachim Rønning et Espen Sandberg – Pirate des Caraïbes, la vengeance de Salazar)