Huile sur carton entoilé – 20 x 20 cm – Original

César le lézard a très envie de connaître Paris. Il en entend parler depuis sa plus tendre enfance. Ses parents, ses grands-parents, ses tantes, ses oncles, ses cousines, ses cousins ne parlent que de la capitale. Globalement, toute sa famille est raide dingue de cette ville. Il est le seul, lui le petit dernier, à n’avoir pas constaté de ses propres yeux la beauté légendaire de la grande dame. C’est décidé, ce soir, il fait le mur. Il a préparé son baluchon avec quelques victuailles une gourde d’eau fraîche. Le voilà paré à quitter sa bourgogne natale, son village de Charbuy.

César franchit les portes de Paris à l’aube. Il est impressionné par la grandeur des trottoirs, les odeurs diverses à la fois délicieuses et nauséabondes, la hauteur des immeubles, les passages piétons gigantesques, les bruits assourdissants. Et encore, il n’a croisé que peu de gens. La nuit qu’il vient de passer sous les étoiles est certainement une des plus belles nuits de sa courte vie, voire la plus belle. Même si, plus il approchait de la civilisation, plus elles semblaient lointaines et ternes.

Alors qu’il traverse différentes rues, César a une pensée émue pour sa famille. À cette heure-ci, sa maman doit s’inquiéter de son absence. Bien sûr il a laissé une petite note manuscrite bien en évidence sur son oreiller. Mais il la connaît, ça ne va pas suffire. Elle ne comprendra pas. Il en est là de sa réflexion matinale lorsqu’il aperçoit soudain devant lui un pont qu’il qualifierait de sublime. Il ne parvient pas à détacher ses yeux de cette splendeur. Ce métal, cette arche qui n’en finit pas. Cette possibilité inouïe d’atteindre l’autre côté de l’eau. Si ses souvenirs sont exacts, il s’agit de la Seine.

Il aperçoit un bollard d’amarrage sur le quai côté 8e arrondissement à proximité de ce pont qui s’appelle Alexandre III, César décide de se poser quelques instants à cet endroit qui lui permet d’avoir une vue parfaite sur cette prouesse technique, de profiter du soleil qui vient de se lever et qui va progressivement réchauffer son corps, de se reposer tout simplement d’une longue nuit de voyage et d’aventure. Il ferme les yeux, il les rouvre, puis recommence. Il a atteint il en est certain un état de béatitude parfait. Une pensée traverse furtivement son esprit. Il pourrait rester là éternellement, un lézard à Paris.