d’après Johan Barthold Jongkind (1819-1891) – Canal à Bruxelles – Aquarelle / Crayon noir – 11,2 x 16 cm

Michel aime par-dessus tout promener son chien, un épagneul breton, avec un cœur gros comme ça et un dévouement à revendre.Ce matin, pour changer un peu de la routine quotidienne qui l’étouffe à petit feu, il décide de faire un tour du côté du canal. Il aime la proximité de l’eau, les quelques bateaux et leur cargaison et les maisons aux fenêtres étroites et aux similitudes troublantes.

Un peu d’histoire traverse son esprit vieillissant mais alerte. La rivière, principale source d’énergie primaire, capable de faire fonctionner les moulins tout autour, est essentielle pour les industries textiles et alimentaires. C’est aussi la voie d’évacuation des eaux usagées domestiques et industrielles importantes grâce à une activité artisanale intense dans la ville. Ensuite, les différents aménagements hydrauliques permettent de contenir au mieux les crues, créer un vivier à poissons, d’arroser les espaces arides et d’alimenter les fontaines de toute la ville. C’est encore un axe principal reliant Bruxelles au pôle économique d’Anvers et à la mer du Nord.

Aujourd’hui, tout semble oublié, chamboulé. Des vestiges des temps anciens perdurent et la simplicité de quelques coques en bois lui ravivent le cœur. Il aperçoit au loin un vieux copain à lui. Non, ce n’est pas possible. Il le pensait mort et enterré depuis longtemps. À mesure qu’il s’approche, le visage se fait beaucoup plus précis. Il s’agit bien de Marcel. Un bon copain de comptoir. Ils se retrouvaient tous les week-ends « Chez Zabeth » pour taper le carton et surtout boire des canons. Lorsqu’ils en repartaient, la route leur semblait toujours moins droite et plus sinueuse. Quelle rigolade ! Alors qu’il n’est plus qu’à quelques mètres de son pote, alors qu’il pourrait presque le toucher, ce dernier s’efface comme par magie. Tout d’abord ébranlé, Michel se demande bien où Marcel a bien pu disparaître. Il fait un tour complet sur lui-même, scrute à quelques centimètres de lui puis progressivement plus loin, jusqu’à l’horizon. En vain ! Après cet état chancelant, Michel traverse l’inquiétude quand à sa propre santé mentale. Comment a-t-il pu confondre à ce point ? A-t-il véritablement vu ? Où est-ce un mirage comme dans le désert ? Il n’a pourtant bu qu’un tout petit canon ce midi. Tout de même …

« Ohé, Michel, tu te réveilles ?! ». Ciel, c’est la douce voix de sa femme qui le tire … de son fauteuil !