Huile sur toile – 27 x 41 cm – Original – VENDU

Toujours la même rengaine. Juliette me dit, de son petit ton sec qui n’admet pas de réplique : « Roméo, c’est toi le mâle, c’est à toi qu’il incombe de trouver un toit pour notre future progéniture ! ». Et moi, je m’exécute sans broncher.Dès le mois de janvier, juste après les festivités de Noël et du jour de l’An, je pars à la recherche du meilleur quartier possible, sans trop m’éloigner des lieux où nous avons désormais nos petites habitudes. De longues journées à fouiner. De longues heures à rentrer bredouille. De longues soirées à sentir, sur mes épaules, le regard déçu de ma bien-aimée.

Puis, un matin de givre particulièrement féroce, l’endroit m’est apparu comme par enchantement. Un pommier, récemment taillé, aux branches courtes, solides et à hauteur acceptable. J’active mes ailes gelées pour annoncer la bonne nouvelle à Juliette et lui faire une petite visite guidée dans la foulée en n’omettant pas de lui part de tous les avantages que j’ai repérés d’un coup d’œil averti par des années de pratique. Je la rejoins en haut d’une antenne télévision et son accueil chaleureux et envoûtant m’encourage à reprendre le vol sur-le-champ. Je lui explique alors que le jardin est calme avec des vers à foison, une fontaine remplie d’eau à proximité du futur logis et que la maison n’est habitée que les week-ends. Le tout, à portée d’aile de notre ancienne habitation, donc le terrain de chasse nous est familier. Mon argumentaire efficace a convaincu Juliette, les rayons de soleil sur les futurs bourgeons ont fait le reste. La saison arrive à grands pas, il ne faut pas perdre de temps. À tour de rôle, nous amenons une branche, un peu de mousse et … notre nid n’est jamais d’une complexité incroyable. Nous ne sommes pas des architectes aguerris. Nous avons toujours opté depuis des générations pour une solution simple mais suffisamment fiable pour perpétuer notre descendance. Encore un tout petit effort et nous voilà installés.

Sans même nous en rendre compte vraiment, Juliette est en train de couver nos magnifiques œufs. Au moindre appel, je la remplace. Les journées passent ainsi. Puis les petits cassent leur habitacle et frileux se protègent de notre duvet et piaillent impatiemment pour un peu de nourriture. Et Juliette, comblée, me couve du regard en prononçant amoureusement : « Oh Roméo, mon doux tourtereau ! ».