d’après Johan Barthold Jongkind (1819-1891) – Étude d’attelage de bœufs et de paysans – Pierre noire / Aquarelle – 22,8 x 28,5 cm
– « Dis Jeannette, tu as envie de travailler toi ? »
– « À ton avis ma petite Muguette ? Avec mon arthrose qui me torture et mes pieds plats. Comment veux-tu que je sois motivée ? Et notre retraite à nous, c’est quand ? Parce que tu vois, tout compte fait, les humains, eux, ils ont droit à un petit quelque chose. Mais nous, nous ? Qui s’en soucie ? »
– « C’est surtout que si on arrête de les servir, c’est mort … Au sens propre comme au sens figuré ! J’en discutais l’autre jour avec notre voisine Primevère. Sa propre cousine s’est retrouvée à l’abattoir parce qu’elle s’était tordue la cheville en sortant de la stabulation. C’est sa faute à elle si le pré n’est que trou et bosse ? »
– « Ah bon ? Je l’ignorais. Mais tu vois, ça confirme en tous points ma thèse du Marche ou Crève ! De l’esclavage je vous dis. C’est purement et simplement une honte. D’ailleurs j’ai décidé de me mettre au régime dès demain matin, aujourd’hui c’est granulés et je ne voudrais pas rater ma dernière ration de « special treat ». Hors de question ! »
– « Comment ça tu vas te mettre au régime ? Et qu’est-ce que ça va bien pouvoir changer à ta vie ? À part t’affamer bien sûr et souffrir encore plus en tirant ces satanées charrues en perdant tout muscle et toute force ? Là, je ne te suis pas du tout, mais alors pas du tout. »
– « Je t’explique ma petite Muguette. Tu vois, avec nos dix ans de différence d’âge, tu ne vois pas la vie comme je la vois. Tu as encore tant d’espoirs dans ta tête. Et malgré ce que t’a racontée Primevère, tu ne comprends toujours pas ? »
– « Bah non ! Certainement mon côté naïf de ma mère qui refait surface ! »
– « Je t’explique, ma belle ! Si je n’ai plus que la peau sur les os, certes, je ne vais plus leur servir à rien et je serai surement conduite directement à l’abattoir mais …. Et là c’est mon atout final, ils ne feront pas chou gras de ma chair parce qu’il n’y aura pas de viande ! »
– « Alors tu vois Jeannette, ça c’est futé ! »
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